Isaac

Aujourd’hui, en plein Carême, nous contemplons le Christ transfiguré. Comment passer de la défiguration d’une certaine religion à la transfiguration joyeuse de la foi en l’Évangile ?  

Dans notre Lecture de la Lettre aux Romains, nous entendons que Dieu « n’a pas épargné ( Pheidomai ) son propre Fils » ( Romains, chapitre 8, verset 32 ) ; c’est une allusion au récit de la Genèse, notre première Lecture, lorsque le Seigneur dit à Abraham : «  Tu n’as pas épargné ( c’est dans la version grecque de la Septante le même verbe Pheidomai ! ) ton fils, ton unique » ( Genèse, chapitre 22, verset 16 ). A partir de ces deux textes, les penseurs chrétiens des premiers siècles ( les « pères de l’Église », en particulier Tertullien, au IIième siècle ) ont vu dans le personnage d’Isaac une figure annonciatrice ( un « type » ) de la personne du Christ ; celui qui avait porté le bois du sacrifice était une préfiguration de Jésus, portant lui aussi le bois pour monter au Golgotha… Interprétation riche de sens, mais qui a fait bien des dégâts : une religion du sacrifice et du devoir ; et même de la peur ; rien à voir avec l’Évangile, qui nous pousse encore et toujours à la joie et à l’amour de la vie.

Mais en fait, le récit de la Genèse ne parle pas d’un Dieu qui exigerait la souffrance ; il est plutôt le témoignage d’une expérience fondamentale du peuple d’Israël : Dieu refuse les sacrifices d’enfants ; à la fin du récit, Isaac n’est pas offert en holocauste… Le seul « sacrifice » que le Seigneur attend de nous, c’est l’écoute de sa parole et l’obéissance à sa volonté, à l’image de notre père Abraham. Le sens de la Croix n’est pas la satisfaction d’un Dieu qu’il faudrait apaiser, mais l’identification d’un Dieu de tendresse à une vie donnée par amour. Au Golgotha, le Père donne sa propre vie afin de faire de nous des ressuscités, des femmes et des hommes debout !

Seigneur, viens transfigurer nos vies à l’image de celle du Fils de l’homme.