Jonas 3

Le Livre de Jonas est un récit populaire qui dit des choses vraies, mais qui n’a aucune prétention historique. En principe, la Torah, les Prophètes et les Psaumes font l’éloge des justes et fustigent les impies. Ici, c’est le contraire : ces versets pleins d’humour critiquent l’égocentrisme des gens pieux et manifestent que Dieu aime les gens de Ninive, la ville païenne ! Ce texte brise la tentation du repli sur soi, celle de ce petit peuple d’Israël revenu de l’Exil à Babylone. Monsieur Jonas est un peu le dindon de la farce ! Au chapitre 3, vous l’avez entendu, il écoute la parole du Seigneur et part pour Ninive ; mais au chapitre premier, il s’était enfui dans l’autre direction ! En fait, ce drôle de prophète est complètement dépassé par l’imprévu de Dieu. Plusieurs fois, il est tellement choqué qu’il veut mourir.

Ce tout petit ouvrage de 48 versets est un des sommets de la Bible hébraïque. Voici ce qu’il exprime : les menaces de Dieu sont toujours une expression paradoxale, mais bien réelle, de son désir de miséricorde. Et il attend la manifestation de notre repentir…pour se repentir lui-même ! La première fois où l’Écriture nous dit que Dieu « se repent », c’est dans le Livre de la Genèse, juste avant le Déluge : « YHWH se repentit d’avoir fait l’être humain sur la terre ». Ensuite, dans le Livre de l’Exode, au moment de l’histoire du « veau d’or », Moïse intercède auprès de YHWH et lui dit : « Repens-toi du mal que tu voulais faire à ton Peuple ». Le rapprochement entre ces récits nous permet de comprendre le sens du Livre de Jonas. Les « quarante jours » sont une allusion aux quarante jours du Déluge. Mais à Ninive, pas de déluge ! Dieu se convertit ! Ou plutôt, c’est l’image de Dieu qui se bonifie dans la conscience religieuse du peuple d’Israël. Et le Seigneur ne se repent plus d’avoir fait l’être humain, mais se repent plutôt du mal qu’il voulait faire ! Ninive, c’est donc l’anti-Déluge, et c’est aussi l’extension à toutes les Nations de l’Alliance que Dieu avait renouvelée au désert avec son Peuple après l’épisode du veau d’or.

Plusieurs siècles avant les Évangiles et St Paul, le Livre de Jonas proclame ainsi la miséricorde universelle de notre Dieu. Le pauvre prophète, lui, ne semble pas pouvoir se convertir car son Dieu, c’est encore celui du Déluge !

Et nous autres, où en sommes-nous en vérité ? Seigneur, guéris-nous de tous les dieux mauvais que nous traînons dans nos cœurs…