La valeur et le poids

Ce matin, dans notre première Lecture, des versets du Deuxième Chant du Serviteur du Livre d’Isaïe, nous rencontrons l’immensité de Dieu – l’universalité de son amour – conjuguées avec une expression de l’intimité de sa relation avec son peuple Israël. Et c’est au cœur de cette intimité qu’apparaît la figure du « Serviteur » qui personnifie le peuple «  saisi aux extrémités de la terre  » et dans lequel les évangiles verront une annonce du Christ.

La perle rare de notre Lecture, c’est un bout de phrase qui ne vous a sans doute pas échappé : « J’ai de la valeur aux yeux du Seigneur » (chapitre 49, verset 5) ; la Bible de Jérusalem traduit : « Je serai glorifié aux yeux de YHVH ». En hébreu, en effet, la « gloire » (Kabod), c’est très concrètement le « poids » ; ainsi, glorifier quelqu’un, c’est lui donner de la valeur, du prix, du poids. Ce bout de phrase d’Isaïe est un écho à la déclaration de Dieu à son peuple au chapitre 43 : « Tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du poids et je t’aime » (verset 4).

Voici donc les paroles de reconnaissance et de vie envers un tout petit peuple pas meilleur qu’un autre, un reste de rapatriés. YHVH fait alliance et donne du prix et du poids à des gens sans intérêt aux yeux du monde. Voyez ces foules en révolte, en Iran et dans d’autres pays ; ils ne font pas le poids. Mais le Seigneur est avec eux. Les insurrections légitimes et non-violentes ont quelque chose à voir avec la résurrection en marche dans notre histoire. Dieu renversera les Puissants ; il essuiera toutes larmes. Jésus, le Serviteur véritable, celui qui récapitule en lui la vie de son peuple Israël et la destinée de tous les humiliés, n’a pas pesé lourd devant les dignitaires de son temps ; et pourtant, Dieu l’a glorifié auprès de lui  ; par amour et pour que tous, nous soyons saisis des extrémités de la terre en cet amour, le Père a donné à la vie de son Fils un poids plus lourd que celui de nos fardeaux, de nos épreuves, de notre mort.