Paroisse Saint-Paul et Sainte-Croix

Quartiers de Celleneuve et la Paillade

Diocèse de Montpellier

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La prière du cœur

21 juin 2020, par Jean-Louis Cathala

NDLR Ces notes proviennent de la « Petite Philocalie de la prière du cœur », traduite et présentée par Jean Gouillard (Seuil – 1979). Cet ouvrage est constitué d’extraits de la Philocalie, une anthologie des écrits de la tradition spirituelle de l’Orthodoxie. Ce sont les fameux Récits d’un Pèlerin russe qui ont révélé la Philocalie au grand public. « Philocalie » signifie « amour de la beauté », de celle qui se confond avec le bien ! Les quelques phrases que je vous présente ont pour simple but d’encourager celles et ceux qui parmi nous pratiquent cette prière du cœur (que l’on peut aussi appeler « prière de Jésus », mais aussi « méditation silencieuse », « oraison », « prière de quiétude »…). Mais peut-être cette (saine !) lecture permettra à d’autres (et pas forcément les plus « cathos ») de se lancer avec persévérance et bonheur dans l’aventure ? (c’est moi, jlc, qui souligne)

De quoi s’agit-il ? De l’invocation de Jésus comme moyen d’entretenir le souvenir de Dieu. Il y a un prestige du Nom dans la tradition scripturaire ; il a un caractère on peut dire sacramentel. Il est toujours mobilisable à condition d’apporter à son invocation l’humilité et la foi voulues. La prière de Jésus est toujours très précieuse pour chasser les pensées mauvaises ou étrangères et pour fixer l’attention – deux effets qu’elle partage avec d’autres formules – mais elle a, en outre, pour résultat d’introduire Jésus dans le cœur. Dès les premiers siècles, chez les Pères du désert, et plus largement dans la tradition monastique en Orient, la prière continuelle présente ces deux aspects d’invocation et d’attention.

« Le principe de tous les maux, c’est la distraction » ( Poemen).

« Il faut se souvenir de Dieu plus souvent qu’on respire » (Grégoire de Nazianze, IVième siècle).

« Tout ce que peut penser l’homme, du ciel jusqu’à la terre, est vanité. Celui qui persévère dans le souvenir de Jésus, celui-là est dans la vérité » (Apophthegmes pseudépigraphes).

« Efforce-toi de tenir ton intellect, pendant la prière, sourd et muet : ainsi tu pourras prier »… « La rancune aveugle la faculté maîtresse de celui qui prie et répand les ténèbres sur ses prières »… « Tandis que tu pries, veille fortement sur ta mémoire afin qu’au lieu de te suggérer ses souvenirs, elle te porte à la conscience de ton exercice, car l’intelligence a une dangereuse tendance à se laisser saccager par la mémoire au temps de la prière » … « Tu ne saurais posséder la prière pure si tu es embarrassé de choses matérielles et agité de soucis continuels, car la prière est démission des pensées » … « Tu aspires à voir la face du Père qui est aux cieux : ne cherche pour rien au monde à percevoir une forme ou une figure au temps de la prière » ( Evagre le Pontique, mort en 399).

L’intellect exige absolument, quand nous avons bouché toutes les issues par le souvenir de Dieu, une activité qui occupe sa diligence. On lui donnera donc le « Seigneur Jésus » pour unique occupation. Mais qu’il ne cesse de considérer cette parole dans ses demeures intérieures pour ne pas dévier vers des imaginations (Diadoque de Photicé, Vième siècle) .

Lorsque l’Esprit établit sa demeure dans un être humain, celui-ci ne peut plus s’arrêter de prier, car l’Esprit ne cesse pas de prier en lui (Isaac de Ninive, VIIième siècle).

Pour Jean Climaque (vers 580-650) comme pour Evagre, la prière est la plus haute expression de la vie solitaire. Elle se développe sur une élimination des imaginations et des pensées. D’où la nécessité de la monologie, l’invocation courte inlassablement reprise qui paralyse la dispersion et alimente le souvenir constant de Jésus. « La solitude (hésychia) est un culte et un service ininterrompu de Dieu. Que le souvenir de Jésus ne fasse qu’un avec votre souffle ; alors vous comprendrez l’utilité de la solitude » … « Ne vous lancez pas dans de longs discours afin de ne pas dissiper votre esprit. La prolixité dans la prière emplit l’esprit d’images et le dissipe tandis que souvent une seule parole a pour effet de le recueillir » …« Le premier degré de la prière consiste à chasser par une parole simple les suggestions. Le second, à garder notre pensée uniquement à ce que nous disons et pensons. Le troisième, c’est le rapt de l’âme dans le Seigneur » (Jean Climaque).

« L’esprit est incapable, livré à ses moyens, de vaincre l’imagination démoniaque. Qu’il n’aille pas s’y risquer ! Nous avons des ennemis si rusés qu’ils feignent la défaite pour nous faire trébucher sur la vanité, mais devant l’invocation de Jésus ils ne tiendront ni ne ruseront une minute de plus »… « Toute leur ambition et tous leurs efforts visent à empêcher notre cœur d’être attentif » … « Car le Malin, étant un esprit pur, n’a pour égarer les âmes que l’imagination et les pensées  ». « L’invocation constante de Jésus, accompagnée d’un ardent désir plein d’une joie suave, a pour effet de baigner l’atmosphère du coeur de joie et de paix, à la faveur de la rigoureuse attention. Mais la purification elle-même du cœur n’a d’autre auteur que Jésus Christ, Fils de Dieu et Dieu lui-même »… « Celui qui fixe le soleil en aura nécessairement les yeux irradiés. Pareillement, celui qui ne cesse de s’enfoncer dans l’atmosphère du cœur ne pourra être qu’illuminé » (Hésychius le Sinaïte, Xième siècle).

« Impossible de prier purement à celui que travaille une passion d’ambition ou de grandeur. Car les attaches et les pensées vaines que cela comporte tressent autour de lui des liens qui retiennent celui qui voudrait prendre son essor au temps de la prière. Tel l’oiseau prisonnier » (Elie l’Ecdicos, XIIième siècle).

« Tout ce qui se présente à l’âme de sensible ou d’intellectuel, et jette le cœur dans l’hésitation ne vient pas de Dieu, mais a été envoyé par l’ennemi. C’est l’enseignement des Pères. Quand tu verrais ton esprit attiré au-dehors ou vers le ciel par quelque puissance invisible, n’y crois pas, ne le laisse pas entraîner mais ramène-le aussitôt à son œuvre » (Grégoire le Sinaïte, 1255-1346).

« L’attention qui cherche la prière trouvera la prière. Si quelque chose suit l’attention, c’est bien la prière. Appliquons-nous donc à l’attention »… «  Toutes les méthodes, règles et exercices n’ont d’autre origine et raison que notre impuissance à prier dans notre cœur avec pureté et sans distraction. Lorsque par la bienveillance et la grâce de N.S. Jésus-Christ, nous y sommes parvenus, nous abandonnons la pluralité, la diversité et la division et nous nous unissons immédiatement, au-dessus de tout discours, à l’Un, au Simple, à Celui qui unifie » … « Si vous voulez apprendre à prier, considérez la fin de l’attention et de la prière et ne vous égarez pas. Sa fin est la contrition du cœur, l’amour du prochain. Son contraire est évident : pensée de convoitise, murmure de calomnie, haine du prochain et toute disposition semblable » (Calliste Xanthopouloi, fin du XIVième siècle).

« Dieu est en dehors de tout le sensible et l’intelligible, au-dessus de tout cela ; l’esprit donc qui veut s’unir à Dieu par la prière doit sortir à la fois du sensible et de l’intelligible, dépasser tout cela pour obtenir l’union divine. D’où la parole du divin Nil (Evagre) - « Dans ta prière, ne te figure pas la divinité, ne laisse pas ton esprit subir l’empreinte d’une forme quelconque, mais tiens-toi immatériel devant l’Immatériel et tu comprendras » (De la prière, 56) (Nicodème l’Hagiorite 1749-1809).

NDLR Il est vrai que notre recherche de Dieu se nourrit de nos émotions, de nos souvenirs, de notre pensée et de notre réflexion. Et nous vivons de sa présence dans la rumination des Ecritures. La contemplation du Seigneur, cependant, transcende le sensible et tout discours. Elle s’accueille dans une pensée réduite à cet essentiel qu’est l’attention. Cette forme de prière, simplissime et accessible à tous, requiert seulement notre abandon dans la confiance et notre persévérance.