Porte étroite (Lc 13, 22-30)

Dans notre monde, par la grâce ou le malheur d’internet, tous peuvent avoir accès aux images, bien souvent des mirages, sur le soi-disant paradis de la vie facile et de la consommation bienheureuse dans nos pays les plus riches. Alors , nos frères et sœurs d’Afrique ou d’Asie sont prêts à tout pour tenter leur chance ; ils sont victimes de bombardements ou d’une dictature sans pitié ; victimes de la corruption et de la vengeance entre clans ; persécutés parce qu’ils sont chrétiens, Yésidis, musulmans, homosexuels etc. La liste est longue. Ils essayent éperdument de venir chez nous ; dans de telles circonstances, nous ferions la même chose ! Mais la mer est dangereuse, les passeurs sans vergogne, les murs infranchissables et la porte étroite ! Beaucoup cherchent à entrer, mais peu seront sauvés en retrouvant une nouvelle vie digne de ce nom avec un travail, un logement, des amis, une famille.

Comment comprendre cette porte étroite de notre temps en lien avec celle dont nous parle Jésus selon St Luc ? Notre texte commence par une question : « Est-ce le petit nombre qui sera sauvé ? » (chapitre 13, verset 23) Attention à ne pas trop désincarner ces paroles ; sur le chemin de Jérusalem, la question est à situer dans la ligne des Prophètes. Elle signifie précisément : Il y aura-t-il, dans cette nouvelle étape de l’histoire du peuple élu, un « reste », un petit nombre de rescapés de la Maison de Jacob qui continueront à porter la promesse ? Luc fait la même constatation que la Lettre aux Romains : seule une petite minorité de juifs a accueilli la nouvelle foi, constituant ainsi, comme jadis, un petit reste d’Israël. C’est cela, la porte étroite  ! Mais Jésus, dans ce contexte, propose une vraie révolution : au festin du Royaume, avec « Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes », il y aura aussi les gens des Nations, venus « du levant et du couchant, du nord et du midi » (versets 28 et 29). Les derniers appelés, les non-juifs que nous sommes, seront à la même table que les premiers appelés. Au fond, la porte étroite signifie que pour Israël, le choix de Dieu ne saurait être un privilège, mais plutôt une responsabilité. Ainsi, bien loin d’annoncer un Dieu sans miséricorde ou un salut réservé à quelques prédestinés, ces versets nous révèlent en creux l’ouverture universelle du salut !

Et nous autres, si nous sommes encore du bon côté, épargnés par la violence et la misère, ce n’est ni un privilège ni une garantie, mais une responsabilité pour le monde ! Notre salut passe par l’accueil et l’ouverture. Ce ne sera pas sans douleur et sans baisse de notre niveau de vie, mais il en va de l’avenir de l’humanité tout entière.