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Fils bien-aimé et Fils de l’homme (Dn 7, 9-14) - Transfiguration 2017

9 août 2017, par Jean-Louis Cathala

« Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un fils d’homme »

En redescendant de la montagne de la Transfiguration, le titre de «  Fils de l’homme  » est mentionné par deux fois (Matthieu, chapitre 17, versets 9 et 12) . Il est celui qui va souffrir et celui qui va s’éveiller d’entre les morts. Je vais essayer le plus simplement possible de vous partager quelques éléments de compréhension sur cette expression très importante et très répandue dans les évangiles, 82 fois, mais un peu mystérieuse ou qui tout au moins nous est peu familière, car absente des Lettres de Paul, de nos Credos et du catéchisme de notre enfance. Si vous ne comprenez pas tout, vous aurez le droit de me gronder. Soyez attentifs. En voiture s’il vous plaît !

Tout d’abord – attention à ne pas faire ce contresens – Fils de l’homme n’est pas une manière de désigner le Christ en son humanité par opposition au titre de Fils de Dieu, qui serait une façon de dire sa divinité. C’est plus complexe que cela ! (Certes, dans l’Évangile selon Jean, « Fils de Dieu » est souvent un titre divin – et a fortiori « le Fils » ou « le Fils unique » - , mais dans les 3 premiers évangiles, « fils de dieu » désigne presque toujours un Messie humain. Pourtant, sous l’influence de la tradition du « Fils de l’homme », « Fils de Dieu » prenait une dimension transcendante. Devant le sanhédrin, Jésus lui-même fait le lien entre les deux expressions et selon ce texte, il revendique finalement d’être Dieu lui-même ! C’est pour le grand-prêtre un blasphème. Lire Matthieu, chapitre 26, versets 63-65). En fait, « fils d’homme » est chez les Prophètes une façon de parler de l’homme en général, mais ce n’est pas le cas dans les évangiles. Ici, la formule se réfère à notre première lecture au chapitre 7 du Livre de Daniel, un ouvrage écrit en araméen autour de 170 avant notre ère. Devant les pouvoirs de plus en plus cruels des Empires de l’époque, Daniel espère une libération qui viendra du ciel ! Et le Royaume qu’il appelle de ses vœux est symbolisé par l’intronisation d’un mystérieux Bar Enash, que l’on traduit par fils d’homme ou « Fils de l’homme » ; c’est pareil ! Un être proche de Dieu, objet de l’espérance des croyants, et qui reçoit à l’accomplissement des temps un royaume qui ne sera point détruit (verset 14). (Dans l’Evangile selon Jean, le titre de Fils de l’homme fournira un cadre idéal pour penser l’existence de Jésus, qui remonte par l’Élévation de la Croix vers un ciel d’où il est venu (chapitre 3, verset 13). Chez St Matthieu, en revanche, le Fils de l’homme ne vient pas du ciel ! Ce sera seulement le cas lors de sa venue pour le Jugement dernier ; chapitre 25, verset 31). Dans la tradition juive, entre Daniel et le Nouveau Testament, le personnage du Fils de l’homme a fusionné avec l’attente d’un Messie qui serait un nouveau roi David. Ainsi donc, au premier siècle de notre ère, le Fils de l’homme était attendu, y compris par Jésus lui-même. Ce n’est pas pour rien qu’il en parle à la troisième personne ! Les évangiles en ont gardé la trace. Mais peu à peu, la référence à cette figure est devenue tellement centrale dans le cœur du Christ que celui-ci a fini par comprendre que le Fils de l’homme, c’était lui en personne !

Ce titre est peut-être la façon la plus originelle d’évoquer la transcendance de l’homme de Nazareth. Aujourd’hui, certains spécialistes de la Bible soulignent que beaucoup de juifs au temps de Jésus attendaient un Messie qui serait divin et qui viendrait sur terre sous une forme humaine (Daniel Boyarin - « Le Christ juif » - Cerf 2013). Ces réflexions peu répandues prennent joliment à contre-pied une idée reçue qui veut nous faire croire que Jésus serait simplement une sorte de gentil pharisien marginal auquel on aurait après coup donné un statut divin sous l’influence de notions grecques étrangères à la foi juive. (Mais ce que nous appelons « christianisme » est une forme de « judaïsme » !) En fait, dans notre première lecture, la vision de Daniel connaît deux divinités : Celui que l’on appelle « l’Ancien » ou le « Vieillard » et qui représente Dieu et le « Fils de l’homme » ! Selon un ouvrage récent d’un théologien juif – je cite - « ces deux divinités allaient finir avec le temps par devenir les deux premières personnes de la Trinité ! » (Boyarin – op. cit., p. 52) Autre citation : « Jésus est entré dans un rôle qui existait avant sa naissance et c’est pourquoi tant de Juifs étaient préparés à l’accepter comme le Christ, le Fils de l’homme » ( ibid., p. 92).

Pourquoi, au fond, vous raconter tout cela ? Pour que vous osiez annoncer l’Évangile autour de vous sans vous laisser intimider. Il est de bon ton, en effet, de dire que le Christ ne serait qu’un maître de sagesse orientale parmi d’autres ou qu’il ne serait qu’un prophète sur une liste de prophètes. Mais si Jésus de Nazareth n’est pas un être transcendant qui par amour a souffert et qui s’est éveillé de la mort, le monde n’est pas sauvé ! Pour nous, aujourd’hui, que ce soit, de temps en temps, sur la montagne lumineuse ou, beaucoup plus souvent, sur les pentes sans lumière de nos pauvres vies, ne cessons pas de l’écouter. C’est lui, le Fils bien-aimé transfiguré. C’est lui, le Fils de l’homme intronisé. Et il a vaincu la mort.