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Diocèse de Montpellier

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Aimer ses ennemis ?

29 avril 2023, par Jean-Louis Cathala

Mt 5, 43-44 19.02.23 St Paul Mpl

Jésus n’est pas venu abolir la Loi. Il vient l’accomplir, affirmer sa force originelle. La manière dont il assume cette mission apparaît dans la structure-même des passages entendus dimanche dernier et aujourd’hui. On assiste en ce chapitre 5 de Matthieu au déploiement d’une christologie d’une puissance inouïe. Jésus ne dit pas : « Rabbi untel a dit », comme les docteurs de la Loi. Il ne dit même pas, comme les Prophètes : « Ainsi parle le Seigneur… » Il dit : « Il a été dit… » c’est-à-dire, « Dieu a dit » ! Et il ajoute : « Moi je vous dis… » Le Christ met sa parole au même niveau que celle du grand Moïse. Il enseigne avec l’autorité même du Dieu d’Israël !

Le dernier paragraphe de ces 6 antithèses, au verset 43, commence par une phrase dont la première moitié est une citation du Livre du Lévitique : « Tu aimeras ton prochain… » Dans la Bible hébraïque, le « prochain » - Rea’- n’est pas vraiment dans la parenté, mais il fait partie du peuple élu. C’est un « voisin » qui n’est jamais très éloigné du « frère » (Ah). Mais dans l’esprit de l’Évangile, nous avons le droit de lire ce mot avec une autre dimension. C’est tout le sens de la Parabole du bon Samaritain où le Christ nous donne à comprendre que le prochain est tout être humain dont je me rends proche, fût-il un étranger, un hérétique ou un ennemi de mon peuple ( Luc 10, 29-37).

Et Jésus ajoute : «  Et tu haïras ton ennemi  ». On sait que ces mots ne font pas partie des Écritures, mais peut-être ce genre d’injonction était-il véhiculé dans la « Tradition des anciens » ? La Genèse nous présente la victoire sur les ennemis comme un effet de la bénédiction de YHWH en faveur d’Abraham. Cependant, le Livre de l’Exode enseigne que l’ennemi doit être respecté. Surtout, nous découvrons dans les Proverbes ce verset magnifique : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire… » En ce verset 43, Matthieu utilise le verbe Miseô, qui signifie « détester. » Un regard sur d’autres textes nous montre qu’il ne s’agit pas d’une « haine » au sens fort mais plutôt d’une absence de préférence. Je cite Luc : « Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père (…) il ne peut être mon disciple ». Cette lecture de ce verbe est confirmée par son acception originelle dans le verbe hébreu Sané (haïr) qui, en fait, signifie souvent « délaisser ». Enfin, nous pouvons souligner que les verbes « aimer » et « haïr » de notre verset 43 ne sont pas de l’ordre du sentiment, mais du comportement pratique à l’égard des autres. Ne nous décourageons pas si nous n’avons pas pour telle ou telle personne les plus beaux sentiments ! L’amour selon l’Évangile, c’est du concret, et c’est sur cela que nous serons jugés.

« Aimez vos ennemis » est l’injonction la plus folle de tous les évangiles ! Il s’agit, écrira Paul, d’« être vainqueur du mal par le bien ». Les « ennemis », dans les Écritures, ce ne sont pas des ennemis intimes, mais les ennemis officiels des Enfants d’Israël. Dans ces versets de Matthieu, ce sont plus précisément ceux qui ne nous aiment pas (Verset 46) . Matthieu pense plus spécialement à ceux qui « pourchassent » les disciples ; Les gens qui « vous livreront aux sanhédrins », annoncera Jésus

Le plus beau est pour le verset 45 : L’amour concret pour les ennemis donne aux disciples de devenir « fils du Père qui est aux cieux », tout comme, un peu plus haut dans ce chapitre de Matthieu, l’engagement pour la justice. Cela nous semble impossible, mais c’est cela, pour le Christ, entrer dans une justice qui surpasse celle des scribes et des Pharisiens ; c’est cela, le sommet de notre ajustement à l’Alliance !