Texte Moingt 75 : Pour une humanité au service de l’univers

Le projet d’adoption de l’humanité par Dieu, qui éclaire sa création à l’image de Dieu, ne nous oblige pas à penser l’homme comme un être totalement à part des autres créatures, exonéré de tout lien d’appartenance à l’univers, un être dont la dignité serait sans commune mesure avec ce qu’il y a de « bon » dans les autres choses.Une telle anthropologie, si elle était dressée par une théologie exagérément spiritualiste et acosmique, ne pourrait pas entrer en dialogue avec celles que construisent, de leur côté, les sciences philosophiques, phénoménologiques et humaines. Elle aurait un autre inconvénient, aussi grave sinon plus, celui de disjoindre l’œuvre de la création et celle du salut, la nature de l’homme et sa vocation surnaturelle, et de les rendre difficilement intelligibles l’une sans l’autre. Il est vrai que la Bible exalte la grandeur de l’homme, appelé à partager la Seigneurie de Dieu sur le monde et autorisé à« dominer » touts ses autres habitants (Gn 1, 26), et que le second récit de la création fait même de l’homme le tout premier être vivant, nimbé d’une solitude transcendantale, jusqu’au temps où Dieu, dans l’intention de lui trouver « une aide qui lui soit assortie »,« modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel et les amena à l’homme pour voir comment il les appellerait » (Gn 2, 18-19). Mais le même récit raconte que Dieu « établit l’homme dans le jardin d’Éden pour le cultiver et le garder » (Gn 2, 15),c’est-à-dire pour lui confier le soin de l’univers, le mettre en quelque sorte à son service, et la suite montrera la solidarité de l’un et de l’autre jusque dans la faute et son châtiment (Gn 6, 5-7). En dehors même de ces récits, partout dans la Bible, la création est le fond sur lequel le salut prend appui et sens.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – T. 2, Vol. 1 - Cerf 2012 – pp. 210-211