Texte Moingt 23 : La Croix, lieu où Dieu se révèle

Les évangélistes ont voulu ériger en lieu d’histoire ce qui s’était passé au calvaire, en lieu d’histoire théologique (…) Ils dressent la croix comme le lieu où Dieu se révèle en confirmant et éclairant tout ce qu’il avait auparavant révélé de lui-même à travers les paroles et les comportements de Jésus et les « signes » qui l’accompagnaient (…) Lieu d’infamie au regard de la coutume romaine, qui réservait ce supplice aux esclaves et aux pires criminels, lieu d’impureté et de malédiction au regard de la loi juive, selon laquelle Jésus méritait de finir en blasphémateur, lieu hors religion, la croix est bien le lieu où il devait mourir ainsi qu’il avait vécu, le signe ultime sous lequel il est montré chargé de nos infirmités et accablé de nos maladies, mis au rang de ceux avec qui il avait voulu vivre, au rang des exclus, des pêcheurs, des impies et même des damnés, conformément à sa mission d’annoncer aux captifs la délivrance et de rendre la liberté aux opprimés. C’est sous ces signes-là que Dieu se révèle sur la croix (…) : c’est le Dieu qui vient lui-même chercher les exclus et les pêcheurs, là où ils sont, pour les ramener auprès de lui, sans condition, « aujourd’hui même, tu seras avec moi  » (Lc 23, 43), le Dieu qui offre son pardon à ceux-là mêmes qui le traitent en ennemi (…) En répondant par un pardon de pure gratuité à la condamnation portée contre Jésus au nom de la loi, Dieu affranchit les hommes de la sujétion à la loi religieuse (…) Un signe en est aussitôt donné : la déchirure du voile du Temple qui interdisait l’accès au lieu symbolique de la présence de Dieu (Mt 27, 51). Dieu se dégage des voiles de la religion et se révèle dans la mondanité d’une chair d’homme frappée de malédiction.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – Tome 1 – Cerf 2002 – pp. 392-393