Texte Moingt 16 : Le bond en avant du Royaume

L’annonce du Royaume par Jésus reprenait les promesses de Dieu faites à Israël et relançait son espérance, mais ne fut pas reçu par ce peuple, du fait qu’elle en reportait l’accomplissement loin au-delà et en dehors de sa religion. Elle récapitulait bien la révélation de Dieu dans l’Ancien Testament, mais en l’arrachant au conditionnement de la religion juive, et, si elle acceptait d’être reprise dans une nouvelle religion, chrétienne, c’était à la condition de n’y être pas à nouveau enclose, puisque la parole de Jésus échappe aux limites du temps et de l’espace (…) Si donc Jésus s’est écarté du judaïsme de son temps, (…) ce n’est pas par quelque geste de rupture ou de rejet, dont les évangiles ne témoignent pas malgré les invectives contre les chefs et docteurs du peuple juif, c’est par son bond en avant, à travers les clôtures de la religion juive, en direction du Royaume, pour répondre à sa mission, telle qu’il l’a ressentait, de rendre le Royaume de son Père accessible à tous, sans exclusivisme ethnique ou culturel ; et si l’Église « primitive » s’est éloignée à son tour, encore plus radicalement, du judaïsme de ses origines, alors qu’elle revendiquait le droit d’y inscrire sa destinée, ce n’est pas par l’effet d’une rivalité culturelle, mais sous l’impulsion de la mission de Jésus, dont elle prenait la suite, qui lui intimait l’ordre de proposer le Royaume de Dieu à tous les peuples qui n’en étaient pas les héritiers « naturels » (…) Jésus était du même coup reçu dans la prédication de l’Église comme le destinataire de toute révélation antérieure, qui trouve en lui sa vérité et son accomplissement, et on peut dire aussi son commencement, puisque c’est en lui que la révélation prend sa dimension universelle de Parole de Dieu conviant tous les hommes sans exception au salut auprès de lui : il était reconnu comme le révélateur unique et définitif de Dieu, sous la réserve eschatologique de renvoyer la pleine révélation de Dieu au dévoilement de sa gloire de Christ.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – Tome 1 - cerf 2002, pp. 357-35