Texte Moingt 36… : Régénérer la tradition à sa source

Le dogme (…) tire sa rationalité de la notion de Dieu qui préside aux explicitations du discours de la foi. Si donc le dogme chrétien est devenu largement incompréhensible ou douteux ou indifférent à des esprits formés à une autre type de rationalité, le seul recours paraît être de le régénérer à sa source, en redécouvrant l’idée de Dieu qui est restée voilée dans l’événement révélateur. L’Église ne peut pas s’opposer à une réinterprétation de son dogme entreprise avec la volonté de respecter la règle de foi des origines (…) Elle le peut d’autant moins qu’on ne lit plus l’Écriture aujourd’hui comme on le faisait au temps des Pères ou des docteurs scolastiques et que le magistère a dû se résigner, pour réconcilier l’Église avec le monde moderne, à une étude des Écritures conduite selon les procédures modernes propres aux sciences de l’histoire et des textes, ce qui aboutit à des interprétations très différentes de celles du passé (…) Ainsi avons-nous vu naître des théologies qui travaillent à réinterpréter la révélation de Dieu selon la « logique » de la Croix et dans des perspectives d’intelligibilité ouvertes sur la modernité. Elles ne le font pas, loin de là, pour accommoder la pensée de la foi aux goûts du jour ni pour critiquer la tradition ou la laisser de côté. Conscientes d’avoir reçu d’elle la foi au Christ et d’en répondre, devant elle, pour le présent, ces théologies nouvelles entendent bien être portées au monde par la tradition et en être la continuation pour aujourd’hui. Mais conscientes aussi que la tradition parle un langage de foi vieilli et altéré, largement inintelligible, elles cherchent à le régénérer au souffle qui l’a fait naître.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – Tome 1 - Cerf 2002, pp. 500-50