Texte Moingt 10 … : La foi

La foi n’est pas une sorte de connaissance inférieure au savoir rationnel (…) ni une source de connaissance supérieure à la raison, la jugeant sans se laisser juger par elle. Elle est « surnaturelle », non au sens d’un événement « miraculeux » soustrait à l’ordre des choses, mais au sens d’être la perception d’une certaine qualité de l’existence humaine, qui consiste à être « donnée » à elle-même, enveloppée de gratuité, livrée à la liberté du sujet (…) La foi est la grâce qui élève l’être humain, non formellement au-dessus de lui-même et à la révélation de vérités supérieures à l’ordre du monde, mais qui l’ « élève » à lui-même, à l’ordre authentiquement humain et à la révélation de sa propre vérité, en tant qu’il se découvre par l’expérience religieuse relié à une altérité transcendante. La foi ne connaît pas Dieu par un jugement d’existence objectivant analogue à ceux que le savoir rationnel porte sur les choses du monde, mais sa connaissance de Dieu reste enveloppée dans la subjectivité du jugement que le sujet croyant porte sur sa propre existence soulevée par la grâce de la visitation de Dieu. Aussi bien ne dit-elle pas : Dieu « est là » comme la raison le dit des objets du monde, ni Dieu « existe » comme s’il s’agissait d’une évidence objective et neutre, mais la foi perçoit Dieu en tant qu’il vient vers les hommes, dans son passage silencieux à travers les opacités du monde, et elle part à sa recherche, sûre d’avoir été mise en route par sa grâce (…) Parce qu’elle est reçue d’un don gratuit, la foi est fondamentalement expérience de liberté.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – Tome 1 – Cerf 2002, pp. 302 et 303