Texte Moingt 8 : Le concept chrétien de révélation

La révélation se fait accueillir comme acte de donation, don tout ensemble de la foi et du sens, du salut et de la vie. Car elle n’est pas appréhendée en elle-même tant qu’elle reste extérieure à Dieu, tant qu’elle est seulement vue comme un acte produit par Dieu, dont Dieu serait l’auteur sans en être le sujet, c’est-à-dire sans la subir lui-même en lui-même. En d’autres termes – et là est la spécificité du concept chrétien de révélation -, dire que Dieu se révèle en Jésus, cela veut dire que quelque chose est arrivé à Dieu ; il lui arrive de passer par où Jésus est passé pour se mettre et se tenir en relation vivante, en communication de vie avec les hommes ; mais cela ne peut être perçu du croyant que par l’acte de passer à son tour par le même chemin, le même événement de mort et de résurrection, pour recevoir de Dieu ce que Dieu lui tend à travers le Christ. Alors se dévoile l’inconnu de Dieu : il est Ce qui arrive à Jésus et à nous. Événement de la vie qui sort de la mort ; il est trinité, relation à l’autre, de même qu’il est-pour-nous, relation de Père à Fils, selon le lien de Dieu à Jésus, et relation du Père et du Fils à l’Esprit Saint selon le lien de Dieu à l’humanité comprise dans sa dimension totale du corps du Christ (…)

Les difficultés à concevoir la révélation sont (…) liées à l’idée qu’on se fait de Dieu. Si l’on pense Dieu comme le Très-Haut, le Tout-Autre, l’Être infini, on voit mal comment l’homme, qui tire de l’expérience ses connaissances et ses certitudes, peut le concevoir et même s’assurer de son existence. Si on le pense comme le Tout-Puissant, l’Absolu enfermé en lui-même, l’Éternel soustrait au devenir, on l’imagine mal se rendre présent dans les limites du temps et de l’espace pour se faire connaître des hommes (…) La considération de son lien au Christ nous apprendra, à l’inverse de ces idées préconçues, qu’il peut se révéler dans les limites du temps et de l’espace parce qu’il habite déjà notre monde et notre histoire, et qu’il est possible à chacun, pour ce motif, de le connaître par le pressentiment de sa révélation au vif de l’existence.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – Tome 1 – Cerf 2002 – pp. 287-288