Texte Moingt 77… : A propos du « péché originel »

Le concept de péché originel a été « libéralisé » et ramené à ce qu’il a d’essentiel. L’enseignement de Romains 5 a été déconnecté de la lecture historicisante de Genèse 3 : c’est du fait de son opposition au Christ, source unique du salut de Dieu, que la figure d’Adam reçoit la signification universelle de représenter une humanité coupable depuis les origines ; et cette déconnection en a permis une seconde : la mort perd son caractère d’héritage biologique et revêt le sens spirituel du dévoiement d’une histoire pécheresse. Dira-t-on que le dogme est néanmoins sauvegardé ? Certes, le concept est effectivement sauf, pour ce qui concerne l’universalité du péché, mais il paraît honnête de reconnaître que le dogme, en revanche, a été déconstruit en tant que tel, puisque sa structure consiste précisément dans la liaison historique d’Adam au Christ et causale entre péché et mort, double liaison expressément affirmée par les conciles (…) L’ancienne tradition dogmatique était culturellement prisonnière d’une lecture objectiviste et fondamentaliste qui absolutise les récits de commencements et sacralise les origines tandis que, depuis le XIX° siècle notamment, le « mode de penser historique » (E.Troeltsch) répandu dans tous les compartiments de la science, d’une part, le sentiment de la liberté et de la responsabilité individuelles, d’autre part, ne supportaient plus d’abandonner l’histoire aux préjugés de la théologie (…) La théologie d’aujourd’hui (…) tient que l’humanité est pécheresse dès l’origine, mais (…) a renoncé à l’idée d’un temps d’innocence comme à celle d’un premier péché cause temporelle du mal et de tous les maux.

Joseph Moingt – Dieu qui vient à l’homme – T. 2, Vol. 1 – Cerf 2012 – pp. 221 et 229