Paroisse Saint-Paul et Sainte-Croix

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Diocèse de Montpellier

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L’édito de juin 2019

28 mai 2019, par Marcus Ondominko

Se laisser laver les pieds

En écoutant les paroles qui ouvrent le chapitre 13 de l’Évangile selon St-Jean, je me sens vraiment très concerné. C’est comme si j’étais subitement placé devant un miroir qui me renvoie les détails de mon propre parcours depuis que je partage ma vie avec la maladie et le handicap. De quoi s’agit-il ?
Lors d’un accident de voiture très violent, ma colonne vertébrale a pris un coup sérieux avec une moelle épinière en compression. De l’avis des spécialistes, je serais dans un schéma de traitement probablement long. Mais qu’est-ce que c’est pénible, choquant et douloureux, de vivre comme ça enfermé dans son propre corps et avec des situations d’inconfort qui froissent la plus stricte intimité !
Chaque jour représentait pour moi le théâtre d’un combat épique contre un adversaire que je ne connaissais pas. Chaque nuit : l’insomnie et le cauchemar se relayaient par intermittence. Un vrai trou noir dans ma vie. Et pourtant il fallait bien que je vive. Vivre sans doute plus comme avant, mais vivre quand-même. Vivre peut-être plus comme les autres, mais vivre quand-même. Mon seul rempart : la prière. Je priais, je priais encore et encore. Et là…
Je me souviendrais toujours de ce jour où l’angoisse et les doutes me transportèrent au pied de la paroisse St Paul. Fait marquant ! Je fus accueilli comme si j’y étais attendu par le curé d’abord et ensuite par la petite communauté qui était rassemblée pour la méditation silencieuse. J’ai trouvé une vraie famille certes, mais comment pouvais-je y vivre alors que ma pathologie – par trop gênante voire dérangeante – peut à tout instant étrangler mon enthousiasme ?
À cette question, la lecture de l’Évangile m’apporte une réponse éclairante. Au départ Simon Pierre refuse que Jésus lave ses pieds. La réplique de Jésus est sans appel : « Si je ne te lave, tu n’auras point de part avec moi ». Le geste qu’accomplit Jésus est d’une humilité saisissante qui démontre l’amour infini qu’il a pour nous qui sommes ses disciples. C’est aussi l’exemple, le chemin à suivre, pour assumer notre condition humaine, l’acceptation à nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimé.
Moi aussi, comme Pierre, j’ai longtemps hésité avant d’accepter d’offrir ma fragilité à toutes ces personnes bienveillantes qui m’ouvraient leurs bras. En agissant ainsi je laissais le péché envahir mon existence déjà précaire. Et quand j’ai parlé de ma souffrance, tout a changé autour de moi. J’étais devenu plus léger, comme débarrassé d’un poids. Depuis lors, je participe à la vie de ma paroisse avec une confiance et une assurance retrouvées. Pourquoi ne pas dire clairement que - peu à peu - je me relève. Maintenant je mesure le chemin parcouru et je peux témoigner d’expérience à quel point il est difficile de permettre à l’autre de vous laver les pieds.
C’est pourquoi en ce Jeudi Saint, je prie pour toutes ces personnes qui acceptent de laver les pieds de leurs semblables, mais aussi tout spécialement pour celles qui, pour diverses raisons, sont coincées dans leurs résistances à s’ouvrir. Offrir sa fragilité à son prochain n’est pas une faiblesse, mais un acte d’amour et de communion qui célèbre la fraternité.

Témoignage homélie de Marcus (Jeudi Saint 2019)