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Diocèse de Montpellier

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Talents (Mt 25, 14-30 )

20 novembre 2017, par Jean-Louis Cathala

La Parabole des talents, au chapitre 25 de Matthieu, ne me plaît pas beaucoup ! On l’utilise pour cautionner les placements qui offrent un surplus à ceux qui ont déjà beaucoup ; cette lecture ne respecte pas le genre littéraire de la parabole, qui parle de quelque chose pour évoquer autre chose}}}, et elle est indécente eu égard aux ravages provoqués par la spéculation financière. Plus profondément, ce récit semble justifier la religion d’un Maître qui exige le rendement et que nous devrions satisfaire ! Il nous présente un Christ qui reviendra comme une menace afin de « régler ses comptes » avec nous (verset 19) et non pour être notre libération et notre joie. C’est ça, l’Évangile ?

Et puis, la conclusion est apparemment scandaleuse :« A tout homme qui a, l’on donnera et il aura du surplus ; mais a celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a » (verset 29). En entendant cela, nous réagissons ; avec raison. Ce verset se fait l’écho du mystère de la souffrance : par exemple, des populations touchées par une catastrophe qui les dépouille du peu qu’il restait ; voyez en Haïti : l’ouragan après le tremblement de terre et le tremblement de terre après la misère !

Ce qui rend cette parole audible malgré tout, c’est un travail de lecture et d’interprétation : Nous retrouvons ce verset 29 presque mot pour mot au chapitre 13 de ce premier évangile avec une note de la Bible de Jérusalem que je vous lis : « Pour les âmes bien disposées, on ajoutera à l’acquis de l’ancienne Alliance le perfectionnement de la nouvelle ; aux âmes mal disposées, on ôtera même ce qu’elles ont ». Qu’est-ce à dire ? En fait, la rédaction définitive de Matthieu se situe à une époque de clarification violente entre une petite minorité de juifs disciples de Jésus et leurs frères de la synagogue. Dans ce contexte polémique, la promesse offerte aux serviteurs bons et fidèles de notre parabole, c’est d’entrer dans la joie d’un Festin messianique duquel seront exclus les « fils du Royaume » qui n’auront pas cru au Christ (chapitre 25, v. 21 ; chapitre 8, v. 11 et 12. comparer : 25,30 et 8,12 !). Et pour digérer le douloureux mystère de ce refus majoritaire du Seigneur par son peuple, les paraboles sont relues par ses disciples comme des épreuves de vérité.

Je lis plusieurs versets du chapitre 13 : Les disciples s’approchant lui dirent : « Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? » - « C’est que, répondit-il, à vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume des Cieux, tandis qu’à ces gens-là (les juifs qui n’ont pas cru au Christ), cela n’a pas été donné. Car celui qui a, on lui donnera (on lui donnera de comprendre !) et il aura du surplus, mais celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera enlevé. C’est pour cela que je leur parle en paraboles (verset 10 à 13 ).

Et plus loin, ce chapitre 13 cite le Prophète Isaïe : ceux qui ont accueilli jadis la parole du prophète sont désormais « heureux » de voir et d’entendre davantage dans le Christ (verset 16). Il reçoivent ainsi du surplus ! En revanche, ceux dont l’esprit était déjà épaissi (verset 15) s’enfoncent dans leur aveuglement : Il leur est ainsi enlevé même ce qu’ils avaient}}} ! Le détour par le chapitre 13 nous permet de donner à ce verset douloureux de notre Parabole des Talents un sens bien précis qui apaise un scandale apparent. Si vous n’avez pas compris, venez me gronder ! En tout cas, une chose est à retenir : notre Dieu n’est pas injuste.