Porte étroite (Lc 13, 22-30)

Il n’est pas toujours évident de percevoir combien les évangiles éclairent nos existences ! Pas évident, n’est-ce pas, d’interpréter ces versets sur la « porte étroite », que l’on ne rencontre que chez Luc ! Ces paroles du Christ sont source de sens pour des auditeurs du premier siècle et l’enseignement reste bon à prendre pour nous, mais peut-être pouvons-nous, en outre, le laisser résonner avec d’autres portes étroites ? Dans notre monde, par la grâce ou le malheur d’internet et de la télévision, tous peuvent avoir accès aux images, bien souvent des mirages, sur le soi-disant paradis de la vie facile et de la consommation bienheureuse en Occident. Alors les gens sont prêts à tout pour quitter leur pays, surtout lorsqu’ils sont victimes de bombardements incessants, comme en Syrie ou au Yémen, ou quand ils sont victimes d’une dictature sans pitié, comme en Érythrée. C’est normal qu’ils viennent et dans de telles circonstances, nous ferions la même chose. Mais la mer est dangereuse, les passeurs sans vergogne, les murs infranchissables et la porte étroite ! Beaucoup cherchent à entrer, mais bien peu seront sauvés en retrouvant une vie digne de ce nom avec un travail, un logement, des amis, une famille.

Comment articuler et comprendre ensemble ces deux portes étroites : celle de l’Évangile et celle pour les migrants de notre temps ? Je ne suis pas sûr de bien me faire comprendre, mais je me lance…

Notre texte de ce dimanche commence par une question : « Est-ce le petit nombre qui sera sauvé ? » (Luc, chapitre 13,verset 23) Attention à ne pas trop désincarner ces paroles. Sur le chemin de Jérusalem, cette demande est précisément à situer dans la ligne des Prophètes. C’est-à-dire : Il y aura-t-il, dans cette nouvelle étape de l’histoire du peuple élu, un « reste », comme dit la Bible, un petit nombre de rescapés de la Maison de Jacob qui continueront à porter la promesse ? ( Voir, par exemple, Isaïe, chapitre 10, versets 20 et 21 ) Par la voix de Jésus, qui sans doute pressentait les choses, St Luc fait comme Paul dans la Lettre aux Romains la constatation que seule une petite minorité de juifs a accueilli la nouvelle foi, constituant ainsi un petit reste d’Israël, comme jadis. C’est cela, la porte étroite ! Et le Christ surtout de souligner un bouleversement inédit dans l’histoire de l’Alliance : Au festin du Royaume, avec « Abraham, Isaac, Jacob et tous les prophètes », il y aura aussi les gens des Nations, venus « du levant et du couchant, du nord et du midi » ( Luc, chapitre 13, versets 28 et 29 ). Et les derniers appelés, les non-juifs que nous sommes, seront à la même table que les premiers appelés, nos frères juifs ! Au fond, la porte étroite signifie que pour Israël, le choix de Dieu ne saurait être un privilège, mais plutôt une responsabilité}}}, un supplément d’exigence. Ainsi, bien loin d’annoncer un Dieu sans miséricorde ou un salut réservé à quelques prédestinés, cette histoire de la porte étroite nous révèle en creux l’ouverture universelle du salut !