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Histoire : L’Église, une secte juive.

18 août 2020, par Jean-Louis Cathala

Extraits d’un article de Régis Burnet paru dans le magazine Histoire du christianisme - num. 44, décembre 2008, pp. 92 à 98

L’Église est une secte juive qui a réussi, sans donner à ce mot un sens péjoratif. Le terme « secte » est employé par Flavius Josèphe dans sa description des différents groupes qui peuplent la Judée. Le judaïsme des premiers siècles était un judaïsme de « partis ». Josèphe distingue les sadducéens, les pharisiens, les esséniens et les zélotes ; mais il ne parle que de la Judée ; les choses sont beaucoup plus complexes dans tout le bassin méditerranéen. Le judaïsme de Diaspora est transculturel et se meut dans les spéculations gréco-romaines aussi bien que dans celles de Palestine. En Judée, à la classification de Flavius Josèphe, il faut ajouter les groupes de tendance apocalyptique comme les baptistes ainsi que les divers courants du pharisaïsme. Et la foi d’Israël en Judée s’est aussi incorporée les croyances et l’historiographie babylonienne et s’est ouverte à l’hellénisme depuis la conquête d’Alexandre. Quel était le point commun de ces divers judaïsmes ? Certainement pas le sacrifice au Temple de Jérusalem, qui était inaccessible aux gens de la Diaspora qui l’avaient remplacé par un culte spirituel dans les synagogues. Probablement pas, non plus, la circoncision ; beaucoup ne la pratiquaient pas avec la rigueur qu’on a parfois supposée. Trois points communs peuvent être mentionnés :

. La croyance en un Dieu unique et le refus de l’idolâtrie.
. L’idée que c’est par une orthopraxie ( une conduite juste) que l’on parvient à la sainteté.
. L’élection par Dieu d’un peuple dont il fait son peuple.

La communauté de Jésus ne dut pas se distinguer de manière très claire des autres tendances judéennes. Les « chrétiens » n’étaient pas les premiers juifs à avoir un messie  ; ce n’était pas une raison pour « sortir » de la foi d’Israël. Les premiers disciples du Ressuscité croyaient à son retour prochain ; pourquoi chercher à tout changer, alors que le Christ était sur le point d’établir son règne définitif sur le monde ? L’Église primitive reprend du judaïsme l’ensemble de ses fondements : Le maintien du « monothéisme » est une évidence ; l’exigence d’une orthopraxie préoccupe l’ensemble des remarques « pastorales » des épîtres, ainsi que de nombreux passages des évangiles ; le thème de l’élection est lui aussi fondamental ; l’Église s’est pensée dans la continuité d’Israël. De même, on conserve des thématiques du judaïsme apocalyptique : Le millénarisme des écrits intertestamentaires se retrouve dans l’Apocalypse de Jean, mais est déjà présent dans la Première Epître aux Thessaloniciens ou dans l’Évangile selon Matthieu. Les premiers Pères de l’Église maintiendront ce sentiment de vivre dans les temps derniers. Par ailleurs, on a souvent pensé Paul comme le fossoyeur d’une certaine Église juive. Plusieurs arguments relativisent ce jugement à l’emporte-pièce : Tout d’abord, dans l’Epître aux Romains, la Loi et la grâce ne sont pas opposées, mais constituent deux voies de salut ayant chacune sa légitimité. Ensuite, l’Epître aux Galates pense le salut selon le schéma juif de l’élection d’un peuple. La seule différence est que désormais, l’adoption des « non-juifs » est possible. Enfin, St Paul ne cesse de réfléchir à partir de la Torah : si elle doit être interprétée en fonction du Christ, elle ne doit certainement pas être supprimée.

La séparation entre « judaïsme » et « christianisme » fut lente et progressive. Pour la dater, un faisceau d’indices pourraient orienter vers le début du III° siècle. Pour autant, les liens entre juifs et chrétiens ne sont pas coupés, comme le prouve le maintien, pendant très longtemps, de communautés juives au sein du « christianisme », héritières de la première communauté « chrétienne » de Jérusalem composée de Judéens proches de Jacques, le « Frère du Seigneur ». Le christianisme est bien, à l’origine, une tendance particulière du judaïsme de l’époque du second Temple. Il est né grâce à des juifs hellénises, vivant dans un monde ouvert aux influences de la philosophie grecque, de la morale latine, des spéculations orientales, situé à mi-chemin entre Alexandrie, Babylone, Rome et Athènes.