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Un commentaire textuel du Nouveau Testament

6 novembre 2018, par Jean-Louis Cathala

Essai de traduction en français d’une partie de l’introduction de cet ouvrage, publié par Bruce M.Metzger – Second édition - 1994 Deutsche Bibelgesellschaft, D-Stuttgart pp. 1* à 16*.

Beaucoup de commentaires de la Bible sont une tentative d’explication des mots, des phrases et des idées du texte des Ecritures tel qu’il nous est transmis dans telle ou telle version. Un commentaire textuel, en revanche, est une recherche où l’on essaye le plus possible d’approcher la version originelle du texte. Cette recherche repose sur deux présupposés :

  • Il n’existe aujourd’hui aucun texte original.
  • Il existe des versions différentes.

Malgré le nombre important de commentaires généraux ou spécialisés des Livres du Nouveau Testament, ( NT ) peu d’entre eux abordent d’une manière adéquate ces questions textuelles. En fait, il n’y en a aucun qui traite de façon compréhensible de l’ensemble du NT, et ceux qui ont abordé toutes les questions ont été écrits au XIXe siècle et sont donc, bien sûr, sérieusement dépassés…

******L’histoire de la transmission du texte du Nouveau Testament

Dans les premiers temps de l’Eglise du Christ, après qu’une lettre apostolique était envoyée à une communauté ou à un individu, ou après qu’un évangile ait été écrit pour répondre aux besoins d’une lecture publique, des copies ont été rédigées pour étendre l’influence de ces textes et permettre à d’autres d’en profiter. Il était inévitable que ces copies manuscrites contiennent peu ou prou des différences de rédaction par rapport à l’original. La plupart de ces différences survenait de façon accidentelle : par exemple, prendre une lettre pour une autre ou un mot pour un autre. Si deux lignes voisines d’un manuscrit commençaient ou finissaient par le même groupe de lettres ou encore si deux mots similaires se trouvait pas loin l’un de l’autre dans la même ligne, il était facile pour l’œil du copiste de sauter du premier groupe de lettres au second, et ainsi une portion du texte était omise…Inversement, le scribe pouvait retourner du second au premier groupe et de ce fait copier plusieurs fois les mêmes mots. Des lettres qui étaient prononcées de façon similaires furent parfois confondues. De telles erreurs accidentelles sont même fréquentes quand de longs passages sont copiés à la main, et arrivent tout spécialement lorsque le scribe à des problèmes de vue, quand il est interrompu dans son travail ou tout simplement à cause de la fatigue qui le rend moins attentif à ce qu’il fait.

D’autres divergences de vocables proviennent de tentatives délibérées pour adoucir des discordances de style ou grammaticales ou pour éliminer du texte des obscurités de sens réelles ou imaginées. Parfois, un copiste a substitué ou ajouté ce qui lui semblait être un mot ou une forme plus appropriée, peut-être dérivée d’un passage parallèle. (On appelle cela l’« harmonisation » ou l’« assimilation »). Ainsi donc, durant les années qui suivirent immédiatement la composition des documents qui furent collectés pour former le NT, des centaines voire des milliers de variations sont apparues.

D’autres types de divergences virent le jour quand le NT fut traduit du Grec en d’autres langues. Au IIe et IIIe siècles, après que la foi chrétienne fut introduite en Syrie, en Afrique du Nord et en Italie, en Egypte centrale et méridionale, les communautés et les croyants désirèrent tout naturellement disposer de copies des Ecritures dans leurs propres langues. Ainsi furent produites des versions en syriaque, en latin et dans les différents dialectes coptes usités en Egypte. Elles ont été suivies au IVe siècle et durant les siècles suivants par d’autres versions en arménien, géorgien, éthiopien, arabe et nubien à l’est, et en gothique, en vieux slavon et ( beaucoup plus tard ) en anglo-saxon à l’ouest.

La précision de telles traductions dépend de deux facteurs : D’abord, le degré de familiarité du traducteur à la fois avec le Grec et avec la langue dans laquelle la traduction est faite. Et ensuite, le niveau de soin avec lequel il accomplit ce travail. Il n’est pas surprenant que des variations véritablement considérables se sont développées dans les versions les plus anciennes, premièrement quand des personnes différentes firent des traductions différentes à partir de ce qui n’étaient que des différences très légères dans la forme grecque du texte. Secondement, quand ces versions dans l’un ou l’autre langue étaient transmises dans des copies manuscrites par des scribes qui, familiers avec ces légères différences dans le texte, ajustaient ces nouvelles copies de façon à être en accord avec ce qu’ils considéraient comme la rédaction préférable.

Durant les premiers siècles de l’expansion de l’Eglise, ce que l’on appelle les « textes locaux » du NT se sont progressivement développés. Les nouvelles communautés qui se formaient dans les grandes villes ou a proximité, comme Alexandrie, Antioche, Constantinople, Carthage ou Rome étaient munies de copies des Ecritures dans la forme courante de cette époque. Quand des copies supplémentaires étaient écrites, les lectures singulières du texte ont été à la fois conservées et même parfois accrues, de telle manière qu’un type de textes est apparu qui était plus ou moins particulier à cette ville. Aujourd’hui, il est possible d’identifier le type de texte préservé dans les manuscrits du NT en comparant les lectures caractéristiques avec les citations de ces passages dans les écrits des Pères de l’Eglise qui vivaient dans ces grands centres ecclésiastiques ou a proximité.

En même temps, les particularités d’un texte local avaient tendance à être diluées ou mélangées avec d’autres types de textes. Un manuscrit de l’Evangile selon Marc copié à Alexandrie, par exemple, et emporté plus tard à Rome pouvait sans doute influencer dans une certaine mesure des copistes qui transcrivaient la forme du texte de Marc tel que cela se faisait à Rome. Au total, toutefois, durant ces premiers siècles, les tendances à développer et préserver un type particulier de texte ont prévalu sur les tendances conduisant à un mélange de textes.

Ainsi sont apparues plusieurs versions distinctes du NT. Les plus importantes sont les suivantes :

Le texte « Alexandrin », que Wescott et Hort appelaient le texte neutre, est habituellement considéré comme étant le meilleur texte et le plus fidèle à l’original. Les caractéristiques de ce texte sont la brièveté et l’austérité. De fait, il est généralement plus court que les textes dans d’autres formes, et il ne montre pas le degré de fignolage grammatical et stylistique caractéristique des textes de type Byzantin. Jusqu’à récemment, les deux principaux témoins du texte Alexandrin était le codex Vaticanus ( B ) et le codex Sinaïticus (Aleph), des parchemins manuscrits que l’on peut dater à peu près du milieu du quatrième siècle. Toutefois, avec l’acquisition du Bodmer papyri, en particulier P66 et P75, tous les deux copiés vers la fin du second siècle ou au début du troisième, il est maintenant évident que le texte de type Alexandrin se réfère à un archétype qui doit être daté plus tôt, du second siècle. Les versions Sahidiques et Bohairiques contiennent fréquemment des lectures typiquement Alexandrines.

Le texte appelé « Occidental », très courant en Italie et en Gaule, mais aussi en Afrique du Nord et ailleurs ( y compris en Egypte ) peut aussi remonter au deuxième siècle. Il a été utilisé par Marcion, Tatien, Irénée, Tertullien et Cyprien. Sa présence en Egypte et montrée par le témoignage de P 38 (Vers l’an 300 ) et P48 ( Vers le fin du IIIe siècle ). Les manuscrits grecs les plus importants qui présentent un texte de type occidental sont le codex Bezae ( D ) du Ve siècle ( contenant les évangiles et les Actes ), le codex Claromontanus (D) du VIe siècle ( contenant les épîtres de Paul ), et, pour Marc 1, 1 à 5,30, le codex Washingtonianus ( W ) du Ve siècle. Par ailleurs, les versions vieilles latines sont des témoins dignes d’attention d’un texte de type Occidental ; c’est le cas dans trois groupes principaux : les formes africaines, italiennes et hispaniques des textes des vieilles latines. La caractéristique principale des rédactions Occidentales est l’affection pour la paraphrase. Des mots, des articles et même des phrases entières sont librement changées, omises ou insérées. Parfois, le motif semble avoir été l’harmonisation, alors que d’autres fois c’était l’enrichissement de la narration par l’inclusion de matériel traditionnel ou apocryphe. Certaines lectures entraînent des altérations presque frivoles pour lesquelles aucune raison spéciale ne peut être trouvée. L’un des traits les plus embarrassants du texte occidental ( qui en général est plus long que les autres formes de textes ) est qu’à la fin de Luc et dans quelques autres endroits du NT, certains témoins occidentaux omettent des mots et des passages qui sont présents dans d’autres formes du texte, y compris l’Alexandrin. Quoi que certains érudits, à la fin du XIXe siècle ont eu tendance à regarder ces lectures plus courtes comme originelles, ( Westcott et Hort les appelaient : « sans interpolation occidentales » ) depuis l’acquisition du papyrus de Bodmer, beaucoup de savants sont inclinés aujourd’hui à les considérer comme des lectures aberrantes. Dans le Livre des Actes des Apôtres, les problèmes soulevés par le texte occidental deviennent plus aigus, car cette version des Actes est presque Dix pour cent plus longue que la forme communément considérée comme étant le texte originel de ce livre !

Une forme Orientale du texte, formellement appelée le texte « Césarien », est préservée, dans une plus ou moins grande mesure, dans plusieurs manuscrits grecs ainsi que dans les versions arménienne et géorgienne. Le texte de ces leçons est caractérisé par un mélange de lectures Occidentales et Alexandrines. Bien que de récentes recherches aient eu tendance à remettre en question l’existence d’un type de texte spécifiquement césarien, les manuscrits formellement considérés comme étant membres de ce groupe restent des leçons importantes. Un autre type de texte Oriental, fréquent à Antioche et aux alentours, est conservé aujourd’hui principalement dans des leçons en Syriaque ancien qui sont les manuscrits Sinaïtiques et Curétoniens des évangiles et dans les références scripturaires contenues dans les œuvres d’Aphraates et d’Ephrem.

Le texte Byzantin, appelé aussi le texte Syrien ou le texte de la Koinè ou encore le texte Ecclésiastique ou le texte Antiochien, est le plus tardif parmi les différents types de textes du NT. Il se caractérise principalement par la lucidité et la plénitude. Les structures de ce texte tentent de mettre de côté toutes les discordances de langage, de combiner deux ou plusieurs lectures divergentes dans une leçon plus élargie ( appelée conflation ) et d’harmoniser des passages parallèles divergents. Ce texte « conflaté », produit peut-être à Antioche de Syrie, a été emporté à Constantinople, d’où il a été largement distribué à travers l’Empire Byzantin. Il est présent aujourd’hui dans le codex Alexandrinus, ( dans les évangiles, les Epîtres et l’Apocalypse, mais pas dans les Actes ) mais aussi dans les manuscrits onciaux les plus tardifs et dans la grande masse des manuscrits en minuscules. Ceux-ci, à l’un ou l’autre exception près, ont conservé une forme ancienne du texte durant la période qui sépare le VIe ou VIIe siècle jusqu’à l’invention de l’imprimerie. ( Vers 1450-1456 ) Cette forme Byzantine du texte était en général considérée comme la forme autorisée du texte. Elle était la plus acceptée et la plus répandue.

Quand la presse de Gutenberg rendit la production des livres plus rapide et moins chère que la production manuscrite, le texte Byzantin déprécié devint la forme standard du NT dans les éditions imprimées. Cette situation malheureuse n’était pas complètement inattendue puisque les manuscrits grecs du NT les plus disponibles pour les premiers éditeurs et les premiers imprimeurs étaient ceux qui contenaient le texte Byzantin corrompu. La première édition publiée du NT en grec imprimé, sortie à Bâle en 1516, a été préparée par Desiderius Erasme, le savant humaniste hollandais. Comme il ne pouvait trouver aucun manuscrit qui contenait le NT grec tout entier, il en utilisa plusieurs. Pour la majeure partie de son texte, il relia deux manuscrits « inférieurs » désormais conservés à la bibliothèque universitaire de Bâle : un des évangiles et un des Actes et des épîtres, les deux manuscrits étant datés environ du XIIe siècle. Erasme les compara avec deux ou trois autres et fit dans les copies données aux imprimeurs quelques corrections dans les marges ou entre les lignes. Pour le Livre de l’Apocalypse, il avait un manuscrit daté du XIIe siècle qu’il avait emprunté à son ami Reuchlin. Il manquait à cette copie la dernière feuille, qui contenait les six derniers versets de l’ouvrage. Pour ces versets, Erasmus traduisit en grec la version latine de la Vulgate de Jérôme. Comme on pouvait s’y attendre avec une telle procédure, dans la reconstruction d’Erasmus de ces versets, çà et là, il y a plusieurs leçons qui n’ont jamais figuré dans aucun manuscrit grec, mais qui sont toujours perpétuées aujourd’hui dans des éditions de ce qui est appelé le Textus Receptus du NT grec. Dans d’autres parties du NT, Erasme a aussi introduit dans son texte grec des éléments dérivés de la forme courante de la Vulgate. Le NT grec d’Erasme fut tellement demandé que la première édition fut bientôt épuisée et une seconde fut alors mise en chantier. C’est cette seconde édition de 1519, dans laquelle quelques-unes ( mais pas toutes, loin s’en faut ) des nombreuses bourdes typographiques furent corrigées, que Martin Luther et William Tyndale utilisèrent comme base pour leurs traductions du NT en allemand ( 1522 ) et en anglais. ( 1525 )

Dans les années suivantes, beaucoup d’autres imprimeurs et éditeurs sortirent une variété d’éditions du NT grec qui reproduisirent toutes plus ou moins le même type de texte, c’est-à-dire celui qui était conservé dans les manuscrits Byzantins les plus tardifs. Même quand il arriva qu’un éditeur eût accès à des manuscrits plus anciens – comme lorsque Théodore de Bèze, l’ami et successeur de Calvin à Genève, acquit le manuscrit du Ve siècle qui a pris son nom aujourd’hui, ou encore le codex Claromontanus du VIe siècle - il n’en fit qu’un usage limité, parce que ces textes déviaient trop de la forme du texte qui était devenue la norme dans les copies les plus récentes. Parmi les premières éditions du NT grec, il faut aussi en mentionner deux de Robert Estienne, (plus connu sous la forme latine de son nom : Stephanus) le célèbre imprimeur parisien qui émigra plus tard à Genève et lia son sort aux protestants de cette ville. En 1550, Stephanus publia à paris sa troisième édition, la editio Regia, une édition folio magnifique. C’est le premier NT grec imprimé qui contient un apparat critique : dans les marges intérieures de ses pages, Stephanus mentionne des variantes de quatorze manuscrits grecs aussi bien que les versions d’une autre édition imprimée, la Polyglotte Complutensiène. La quatrième édition de Stephanus (Genève, 1551) qui contient deux versions latines ( celle de la Vulgate et celle d’Erasme ) est à remarquer puisque pour la première fois le texte du NT est divisé en versets. Théodore de Bèze n’a pas publié moins de neuf éditions du NT grec entre 1565 et 1604, plus une édition posthume en 1611. L’importance de l’œuvre de Bèze tient à ce que ses éditions ont conduit à populariser ce qu’on appellera plus tard le Textus Receptus. Les traducteurs de la Bible autorisée ( ou Bible King James ) de 1611 firent largement usage des éditions de Bèze de 1588-89 et 1598.

L’expression Textus Receptus, appliquée au texte du NT, provient d’une formule utilisée par Bonaventure et Abraham Elzévir, imprimeurs établis à Leyde. La préface de leur seconde édition du NT grec ( 1633 ) contient la phrase : Textum ergo habes, nunc ab omnibus receptum, in quo nihil immutatum aut corruptum damus (« Le texte maintenant reçu par tous »). Dans un certain sens, cette fière déclaration sur leur édition semble justifiée, puisque celle-ci était, à beaucoup d’égards, similaire aux quelques 160 autres éditions du NT grec imprimé sorties depuis la première édition d’Erasme en 1516. Cependant, dans un sens plus précis, la forme Byzantine du texte grec, reproduite dans toutes les premières éditions imprimées, était défigurée, comme nous l’avons mentionné plus haut, par l’accumulation durant des siècles de myriades d’altérations scripturaires, beaucoup d’importance mineures, certes, mais certaines avec des conséquences considérables.

C’est cette forme corrompue Byzantine qui devint la base de presque toutes les traductions du NT dans les langues modernes jusqu’au XIXe siècle. Au cours du XVIIIe siècle, des savants rassemblèrent de larges informations provenant à la fois de manuscrits grecs et des œuvres des Pères de l’Eglise. Cependant, à l’exception de trois ou quatre éditions, qui corrigeaient timidement certaines des erreurs les plus grossières du Textus Receptus, cette forme dépréciée du texte du NT était réimprimée d’édition en édition. Et c’est seulement dans la première partie du XIXe siècle ( 1831 ) qu’un spécialiste allemand de littérature classique, Karl Lachmann, s’aventura à appliquer au NT les critères qu’il avait utilisé dans l’édition de textes classiques. De ce fait apparurent d’autres éditions critiques : celles élaborées par Constantin Von Tischendorf, dont la huitième édition ( 1869-72 ) reste un trésor monumental de leçons variées, et l’édition influente préparée par deux savants de Cambridge, B.F. Westcott et F.J.A. Hort. ( 1881 ) C’est cette édition la plus récente qui fut prise comme base de la présente édition de l’United Bible Society. Au cours du XXe siècle, avec la découverte de plusieurs manuscrits du NT beaucoup plus anciens que ceux qui furent jusqu’alors disponibles, il devint possible de produire des éditions du NT qui s’approchent beaucoup plus près de ce qui est considéré comme les documents originaux.

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