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La miséricorde, signe d’amour et de liberté

9 février 2016, par Jean-Louis Cathala

Voici l’intitulé que l’on m’a proposé pour ce bref entretien, ce soir, en cette année de la miséricorde. Tout un programme ! Dans la bulle d’indiction du jubilé, François écrit : L’Eglise «  sait que sa mission première, surtout à notre époque toute remplie de grandes espérances et de fortes contradictions, est de faire entrer tout un chacun dans le grand mystère de la miséricorde de Dieu, en contemplant le visage du Christ   ». C’est peut-être beaucoup dire que nous allons entrer dans ce grand mystère de la miséricorde, mais je vais vous partager quelques éléments de réflexion et puis ensuite, nous aurons, je l’espère, un bel échange.

Tout d’abord, qu’est-ce que c’est, au fond, la « miséricorde », du moins selon notre tradition chrétienne, selon les Ecritures ? Dans la vie courante, on associe la miséricorde à la pitié, à la réconciliation, au pardon. Dans la Bible, deux termes nous parlent de la miséricorde. Le premier, Rahamim, en hébreu, c’est-à-dire les « entrailles », exprime l’attachement d’une personne à une autre. C’est la tendresse . Le second terme hébreu, Hésed, c’est plutôt la fidélité . En français, on utilise plusieurs mots : miséricorde, amour, tendresse, pitié, compassion…Il y a tout un déploiement de sens, mais dans le fond, l’idée, c’est que notre Dieu manifeste sa tendresse à l’occasion de la misère humaine. Tous, nous sommes aussi invités à devenir miséricordieux les uns pour les autres, dans l’imitation de Dieu Lui-même !

Dans l’histoire de la Révélation, un moment-clef de la manifestation de la miséricorde du Seigneur, c’est l’expérience de l’Exode. Dieu dit : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte. J’ai entendu son cri devant ses oppresseurs ; oui, je connais ses angoisses. Je suis descendu pour le délivrer… » (Exode, chapitre 3, 7) Et au Sinaï, après l’épisode du « veau d’or », YHVH révèle le fond de son être : « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en miséricorde et en fidélité… » (Chapitre 34, 6) Dans les Ecritures aussi, c’est tout le sens du merveilleux petit Livre de Jonas, il nous est donné d’entrevoir, avant même la Révélation du Christ, que cette miséricorde de Dieu non seulement est pour son peuple Israël, mais pour toutes les Nations.

Dans la citation de François que je vous ai partagé, on parlait d’une miséricorde qui est à contempler sur le visage du Christ. Dans l’Epître aux Hébreux, Jésus est appelé « grand prêtre miséricordieux. » (Chapitre 2, verset 17) Et de fait, quand nous parcourons les évangiles et quand nous écoutons ses paroles, sa manière de regarder les gens et de les rencontrer, nous apprenons la miséricorde de Dieu telle qu’elle peut se traduire dans la vie d’un homme ! En Jésus Christ, le Dieu qui de toujours a toujours se penche sur l’humanité prend le visage humain de la miséricorde  ! Avec Jésus, nous pouvons véritablement découvrir en notre propre chair que Dieu n’est que miséricorde ! Ce n’est pas une simple qualité, un simple « attribut » parmi d’autres. Pensons à l’amour du Christ pour les pauvres, les malades, les publicains et les pécheurs. Souvenons-nous de Zachée, du Bon Samaritain, de Simon-Pierre, de la femme adultère, de la Samaritaine, de Marie, qui chante cette miséricorde qui s’étend d’âge en âge ! (Luc, chapitre 1,50) Tout cela, finalement, prend son sens ultime dans la mort et la résurrection du Sauveur. Voici ce qu’écrit Paul aux Romains : « Le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous…. » (Chapitre 5,8) Et encore «  Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde. » (Chapitre 11, 32)

Et cette miséricorde que nous recevons gratuitement, par « grâce », nous sommes appelés à la partager. En lisant en parallèle Matthieu (5,48) et Luc, (6,36) nous entrevoyons que la perfection qui est requise de notre part, ce n’est pas je ne sais quelle pureté morale ou doctrinale, mais c’est que nous soyons compatissants et miséricordieux les uns pour les autres, comme Dieu notre Père est miséricordieux. De quoi s’agit-il, essentiellement ? Que nous soyons capables de faire preuve de tendresse envers les misères que nous croisons sur nos chemins et que nous soyons remplis de pitié envers ceux qui nous ont blessés, nous souvenant que Dieu nous a fait miséricorde. Pensons à la Parabole du débiteur impitoyable. (Matthieu, chapitre 18, 23-35) Et vous connaissez tous ce merveilleux texte du Jugement dernier. Nous serons jugés sur la miséricorde que nous aurons exercée, sans nous en rendre compte peut-être, à l’égard de Jésus en personne ! (Chapitre 25, 31-46)

Comment comprendre une miséricorde qui est un signe d’amour et de liberté, pour rejoindre le titre qui nous a été proposé ce soir ? Si je suis quelque peu miséricordieux, si je le deviens de quelque manière – mon Dieu, que c’est dur !- c’est sans doute un bon signe que je suis aimé – que le Christ m’a aimé, comme l’écrit Paul, et que peu à peu, il me rend libre dans l’amour. Au sens chrétien - c’est important de le préciser- on ne peut être libre dans le mal ! Seigneur- prions-nous tous les jours- « délivre-nous du Mal  ! » La liberté, ce n’est pas une expérience absolue et originelle, mais un long et laborieux processus de libération, un cadeau reçu de Dieu et par les autres ! Et dans la bienheureuse et vitale expérience que je suis aimé tel que je suis, je découvre que ce quelqu’un qui m’aime veut et peut me faire grandir dans la liberté des enfants de Dieu. Cette expérience de la liberté comme libération par un Autre ne me prive jamais, bien sûr, de la faculté de dire « non », de me replier sur moi-même, de retomber dans le mal, mais elle est la joie de pouvoir dire « oui » à l’amour jour après jour et un jour pour toujours ! Si Marie a dit « oui », c’est que son cœur avait été rendu assez libre pour dire « oui » !

Si nous voulons que l’Evangile soit vraiment une Bonne Nouvelle, et pas un ensemble de règles à respecter sous la menace d’une sanction, il est bon de redire des choses très simples, du genre : ce n’est pas à cause de nos mérites que Dieu nous aime et nous pardonne, mais parce qu’il nous aime et nous pardonne sans aucun mérite de notre part, nous devenons capables d’aimer et parfois de pardonner à nos frères, même si c’est la chose la plus difficile au monde ! Mais nous le savons et le croyons : « Rien n’est impossible à Dieu. » (Luc, chapitre 1,37)

Et parce que la miséricorde est inséparable de la liberté des enfants de Dieu, nous pouvons vraiment entendre : « Heureux les miséricordieux}}} ! » (Matthieu, chapitre 5,7) Nous avons dit que la miséricorde de Dieu est toujours première. Elle est donnée gratuitement ! Mais les dons du Seigneur engagent toujours notre responsabilité. Nous sommes avec lui les partenaires d’une Alliance. Ainsi donc, pour ne pas gâcher ce don de Dieu, nous sommes appelés à la partager et à faire preuve de miséricorde envers nos frères et nos sœurs.

Nous allons entrer dans le Carême dans quelques jours, mais nous ne sommes encore pas très éloignés de Noël. Nous sommes entre le crèche et la croix et pour terminer, je vous laisse quelques mots de René Voillaume, un des plus grands auteurs spirituels du siècle dernier : « Il y a quelque chose de nouveau en ce qui concerne l’amour depuis que le Christ est né en ce monde. Ce fait nouveau consiste précisément en ce que Dieu s’est incarné et que de ce fait l’homme se trouve surélevé, transfiguré selon une dimension qu’il ne pouvait pas soupçonner. Quand on parle d’amour, il faut d’abord se souvenir que nul ne saurait aimer s’il n’est d’abord lui-même aimé. Or le Christ, et spécialement lors de son agonie sur la croix, nous révèle l’amour miséricordieux dont Dieu nous aime. Il nous est donné révélation d’un amour immense, infini, plein de tendresse et de miséricorde, qui nous atteint chacun personnellement à travers le cœur blessé du Christ mourant pour nous… C’est la révélation du Dieu-Amour, et d’un amour de miséricorde, d’un amour qui s’approche des hommes, d’un amour qui ne rejette aucun pécheur… » (« Où est votre foi ». Cerf 1971 p. 181ss)

JLouis Cathala 05.02.16 St Paul. MPL